C’est une approche croisée entre l’archéologie et l’histoire que proposent ici les auteurs de ce numéro de la revue Intervalles consacré à une figure passionnante de l’histoire culturelle suisse du XIXe siècle : le médecin, archéologue, artiste et humaniste Victor Gross. Comme le mentionne Denis Ramseyer dans l’avant-propos, l’accent est mis, dans cet ouvrage, sur les activités de Gross comme archéologue.
Le travail présenté en 2008 par Camille Fallet, étudiante à l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel, sert de point de départ à cette étude. Camille Fallet signe d’ailleurs le premier article intitulé L’archéologie de Victor Gross éclairée par sa correspondance. Denis Ramseyer interroge ensuite la vision des lacustres élaborée par Gross à travers une relecture critique de son ouvrage publié en 1883, Les Protohelvètes ou les premiers colons sur les bords des lacs de Bienne et de Neuchâtel, un livre qui fut longtemps considéré par les spécialistes comme une référence sur le sujet. Gianna Reginelli Servais montre la vision de l’âge du Fer de Gross et son interprétation à propos du site de La Tène. Se ralliant à l’opinion généralement admise depuis les études de Desor, Gross défend le point de vue que le site ne peut pas être rattaché à la civilisation lacustre et que les habitants de La Tène sont des colons helvètes. Philippe Marti examine les pratiques des savants concernant le commerce des objets archéologiques, tout en mettant en exergue la constitution de réseaux d’échange, d’abord à l’échelle nationale, puis au niveau international. Marc-Antoine Kaeser analyse la part importante qu’a jouée la collection d’antiquités lacustres du Dr Gross et, d’une manière générale, la préhistoire dans la fondation du Musée national suisse à la fin du XIXe siècle. Le lecteur y trouvera aussi des documents inédits, notamment des lettres écrites en 1885 de la main du conseiller fédéral radical neuchâtelois Numa Droz, dans lesquelles il s’engage pour la défense des musées régionaux, contre le projet d’un musée central. Denis Ramseyer rend compte brièvement des activités de médecin et d’artiste du Dr Gross, tout en évoquant les liens qui l’ont uni au peintre Albert Anker ou à l’écrivain Carl Spitteler. L’article sonne comme un encouragement et une invitation aux chercheurs à poursuivre la ré.exion en puisant dans la riche correspondance de Victor Gross conservée à Berne par ses descendants.
L’ouvrage se termine par deux courts développements sur la place des lacustres dans deux musées de la région. Denis Ramseyer rend compte de la nouvelle présentation de la salle Victor Gross, inaugurée en 2009 au Musée historique de La Neuveville: les diverses activités de notre homme sont désormais au coeur du propos. Jean-Christophe Méroz évoque l’importance du Musée Schwab, seule institution en Suisse consacrée uniquement à l’archéologie du canton de Berne.
Au final, l’ouvrage offre une lecture aisée et compréhensible du rôle qu’a joué l’un des pionniers de l’archéologie lacustre suisse du XIXe siècle. Il nous permet aussi de mieux comprendre la façon dont Gross et ses contemporains percevaient les populations préhistoriques. Le livre est illustré par une abondante iconographie en noir et blanc comportant des portraits, des reproductions d’objets de collections, des lettres inédites, des photographies de stations lacustres et de salles d’exposition.
Zitierweise:
Chantal Lafontant-Vallotton: Rezension zu: Camille Fallet (Hrg.): Victor Gross et la découverte des lacustres. Prêle, Intervalles: revue culturelle du Jura bernois et de Bienne, vol. 86, 2010. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 148/2, 2011, pages 127-128.